Fourth Day

Les enjeux de la presse africaine

Ayant eu en charge plusieurs années la responsabilité de la gestion et du développement de notre bureau RP de Casablanca, j’ai récemment reçu une invitation de la part de Clipse pour assister à un webinar sur les enjeux de la presse africaine.

Le pitch

 « Quatre professionnels de renom sont invités à échanger sur leurs visions du métier et les problématiques qui touchent le secteur des médias aujourd’hui sur le continent. Précarisation de la profession, statut du journaliste, nouveaux modèles économiques à inventer pour la presse, éthique et qualité de l’information. »

Ces journalistes étant :

  • Mohamadou Diallo, Directeur général de Cio Mag et cio-mag.com. Journaliste avec lequel j’ai pu être régulièrement en contact au cours de ces dernières années dans le cadre de projets clients européens et maghrébins.
  • Meriem Oudghiri, Secrétaire générale de la rédaction de L’Economiste et Présidente de l’Union de la presse francophone pour le Maroc. Rédaction que je connais également très bien de par mes missions d’attachées de presse auprès de la presse marocaine.
  • Yves-Laurent Goma, Directeur de Gabonactu.com et journaliste de RFI
  • Kadhel Aman, Directeur de Educarriere.ci

Ce qu’il ressort de ce webinar

Trois grands thèmes ont été abordés lors de ce webinar – valoriser le métier, former et financer – et m’ont clairement expliqué ou fait échos à des situations que j’ai pu rencontrer en travaillant avec des journalistes africains. Il convient ainsi peut-être de préciser que mon expérience auprès de la presse africaine (essentiellement généraliste et tech) provient de mes missions vers les pays suivants : Maroc, Tunisie, Algérie, Lybie, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin, Kenya, Nigéria et Afrique du Sud.

Bien que la presse africaine connaisse des enjeux différents d’un pays à l’autre, les quatre speakers du webinar sont tombés d’accord sur le fait qu’il y a un réel besoin de valoriser le métier de journaliste en Afrique face à une multitude de difficultés économiques et techniques.

Au Gabon, par exemple, Yves-Laurent Goma nous a expliqué que très peu de médias sont créés par des opérateurs privés mais plutôt par des responsables politiques, si bien qu’ils sont limités à l’ambition de leurs fondateurs. A l’instar de certains autres pays africains, les journalistes n’ont pas ou très peu de moyens pour se déplacer pour couvrir un sujet, le monter, etc. La presse au Gabon observe également un paradoxe entre la presse traditionnelle qui n’est pas vraiment équipée pour se lancer sur l’online et le boom de la presse numérique avec l’arrivée d’une multitude de médias dont la qualité du travail journalistique est assez disparate et ne repose pas uniquement sur des questions éditoriales mais sur des demandes de rémunération. J’ai d’ailleurs expérimenté cela auprès de certains médias de d’autres pays.

En comparaison, au Maroc, une grande révolution des médias a eu lieu au cours des années 1990 et beaucoup de médias ont aujourd’hui des investisseurs privés. La presse marocaine est très riche et très diversifiée. Pour avoir travaillé avec de très nombreux journalistes marocains, je ne peux qu’approuver ce fait ! Cependant, elle est, elle aussi, sous pression, encore plus depuis le début de la crise sanitaire où, en raison de l’urgence sanitaire, il a été décidé de plus imprimer aucun journal durant trois mois.

Alors qu’il couvre un large nombre de pays africains et qu’il est amené à travailler avec des journalistes de différents pays, Mohamadou Diallo, dans ce webinar, a constaté également un manque d’organisation de la presse africaine, un manque de professionnalisme, de moyens et de formation et que malheureusement le métier est gangréné par des personnes qui ne sont pas du métier. Afin de concourir à son niveau à l’amélioration de la presse africaine et apporter une meilleure stabilité à ses collaborateurs locaux, il a fait le choix de travailler sur une base de rémunération mensuelle de ses correspondants.

D’autre part, en ce qui concerne le financement de la presse africaine, la question de la diversification des revenus a été largement discuté lors du webinar. Dans certains pays, les médias print « traditionnels » ont une barrière psychologique à passer sur de l’offline où l’information est gratuite. Dans d’autres, les médias onlines gratuits sont davantage consultés que les journaux papier. Comme l’a rappelé Meriem Oudghiri, le traitement de l’information online et offline n’est pas le même et les deux types de presse ne doivent pas se canaliser et un business-modèle peut être trouvé quel que soit le format du média. C’est ainsi que Mohamadou Diallo a parlé de sa propre expérience avec CIO Mag et de l’importance de capitaliser sur les données clients, de savoir les exploiter, les valoriser et les personnaliser pour proposer aux annonceurs des plans de communication pouvant être adressés à une cible spécifique.

Pour conclure, les quatre intervenants plébiscitent ainsi tous la réhabilitation du métier de journaliste, quel que soit le pays concerné. Cela passe par la formation permettant de mieux maitriser l’accès à la profession, la constitution d’un statut pour le journaliste et le besoin d’une intervention étatique pour améliorer les conditions de travail notamment avec plus de moyens financiers et techniques.  Mais, l’avenir de la presse africaine repose aussi sur la nécessité pour les journalistes de s’organiser. En ce sens, d’ailleurs, au Maroc, par exemple, ont été mises en place des actions de networking pour permettre aux journalistes de se former entre eux, d’échanger sur leurs métiers. En Côte d’Ivoire, Kadhel Aman a évoqué un concours organisé chaque année pour récompenser les meilleurs journalistes. Dans chacun des pays africains, des initiatives en ce sens existent et cela est une bonne chose ! Meriem Oudghiri donnera le mot de la fin de ce webinar en appelant toute la profession à un plaidoyer collectif.

The author

Cindy est consultante RP senior au sein de Quatrième Jour. Elle est également responsable de notre agence de Casablanca.

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