Fourth Day

Substack : journalisme ciblé ou foisonnement d’opinions ?

S ubstack n’est pas encore un terrain totalement rassurant pour les professionnels des relations publiques. Xanthe Vaughan Williams, directrice associée de Fourth Day, vous en dit plus dans cet article.

Créée en 2017, la plateforme Substack permet à des journalistes, auteurs et penseurs d’envoyer directement leurs contenus dans la boîte mail de leurs abonnés. Et sa croissance est spectaculaire : en nombre d’abonnés numériques, elle se place aujourd’hui juste derrière le New York Times.

Son ascension a pourtant eu lieu sans véritable éclat. Alors que la presse traditionnelle s’érode et que les réseaux sociaux occupent une place croissante, Substack a, patiemment, fédéré un lectorat solide. Résultat : le monde des RP commence sérieusement à s’y intéresser.

Avec plus de 5 millions d’abonnés payants (en mars) et près de 35 millions de lecteurs actifs, Substack est devenue un acteur incontournable. Au Royaume-Uni, des médias indépendants comme The Mill ou The Lead s’appuient déjà sur ce format pour produire et diffuser des contenus exigeants. De leur côté, de nombreux journalistes indépendants y trouvent un espace pour mener leurs enquêtes, publier librement — et être rémunérés pour cela.

Mais au-delà du tableau séduisant, une question demeure : Substack représente-t-elle un espace fiable pour les RP, ou simplement un vaste réseau social où flotte, çà et là, un peu d’expertise ?

Les forces de Substack

Le premier avantage, indéniable, est l’ampleur de sa communauté. La plateforme offre, en théorie, une segmentation fine sur pratiquement tous les sujets. Les abonnés ne suivent pas une ligne éditoriale, mais une personne : un journaliste, un auteur, une voix. Que l’auteur s’adresse à 100 lecteurs ou à 10 000, tous se sont inscrits pour lire son point de vue — ce qui crée un engagement authentique.

Pour les relations presse, c’est une opportunité : si un journaliste Substack s’intéresse à votre histoire, il y a fort à parier que son audience y sera également sensible. Et certains auteurs disposent d’une influence bien plus large que leur newsletter : podcasts, chaînes YouTube, collaborations… Substack n’est souvent qu’une pièce de leur écosystème. Parfois même, d’autres journalistes les suivent pour capter des angles inédits — une porte d’entrée intéressante pour vos porte-parole.

… mais aussi ses limites

Cet univers n’est toutefois pas dénué de fragilités — et certaines sont loin d’être anecdotiques.

Trouver le bon auteur n’est pas simple

Identifier la bonne newsletter demande du temps. Il faut repérer les écrivains dont l’audience correspond réellement à votre cible, et s’assurer qu’ils produisent du contenu fiable et régulier. D’autant plus que l’audience de Substack reste largement américaine. Selon Similarweb, ses autres marchés majeurs sont le Royaume-Uni, l’Inde et l’Australie. Autrement dit : atteindre une niche britannique ou un segment très spécialisé peut s’avérer complexe.

L’absence de supervision éditoriale

C’est probablement le point le plus sensible. Les auteurs Substack n’ont ni éditeur, ni secrétaire de rédaction. Ils publient seuls, sans filet.
Dans ce contexte, le contenu que vous leur proposez doit être soigné, précis, bien construit — bref, immédiatement exploitable.

Mais cette liberté éditoriale totale a un revers : pour certains auteurs, elle signifie aussi liberté vis-à-vis des faits… et parfois même du bon sens. Votre marque peut se retrouver citée dans un texte sérieux et pertinent, puis apparaître juste à côté d’un article complotiste ou d’un pamphlet rageur.

Dans la presse spécialisée, voir son porte-parole associé à un titre controversé est déjà inconfortable ; sur Substack, l’effet peut être décuplé. En 2023, The Atlantic résumait bien le problème en affirmant que « Substack a un problème avec les nazis » — une dérive dont les médias traditionnels sont, en principe, mieux protégés.

Un fonctionnement proche des réseaux sociaux

Le flux Substack fonctionne comme celui d’un réseau social. On peut recevoir du contenu qui ne correspond pas du tout à ses abonnements, ce qui crée un environnement moins lisible et parfois déroutant.

***

Substack mérite d’être approchée avec la même prudence que X ou Facebook. Mais elle offre aussi une vraie opportunité : toucher des communautés spécialisées, engagées, parfois plus réceptives que celles des médias traditionnels.

Autrement dit : une plateforme à utiliser… mais avec discernement.

The author

Cindy est consultante RP senior au sein de Quatrième Jour. Elle est également responsable de notre agence de Casablanca.

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